Reconnaissance
La reconnaissance se présente comme une naissance éternellement renouvelée dans le regard de l'autre. Mais aussi une renaissance réflexive dans le retour que fait l'autre au moindre signe de la prise en considération qui lui est faite. Bon, mais en médiation, à quoi ça sert ? Les petites morts, les petites naissances Remarquez, que, comme dans les jeux d'enfants, nous avons plusieurs
naissances et plusieurs vies car, à chaque fois, il ne s'agit
que d'un passage, pour mieux renaître en autant de petites vies.
Remarquez aussi, que, ces petites morts ne sont que rarement conceptualisées
par la personne concernée, mais par un tiers qui anticipe les
effets néfastes d'un éventuel non-dit, en dénonçant
le fait et par là-même en lui retirant le pouvoir de son
éventuel refoulement. A minima il faut un miroir - pour les cheveux
blancs par exemple. Mais qu'est-ce qu'un tiers en la matière
si ce n'est un miroir. Résumons : des petites morts, passages vers des renaître,
mais qui s'opèrent avec l'aide d'un tiers. Autrement dit, on
renait dans la rencontre avec l'autre : on " co-nait " ensemble,
ou plus exactement comme nous le dit pleinement le mot: on " re
co nait ", on renait ensemble avec l'autre. Nous nous donnons mutuellement
la vie en une perpétuelle renaissance, en reconnaissant que l'autre
existe dans notre regard. On n'existe que dans le regard de l'autre. Mais c'est quoi " reconnaitre " ? C'est simple, c'est compliqué, c'est divers " Laissez-moi vous donner un coup de main ". Aider l'autre,
c'est un peu plus compliqué. D'aucun qui donne un coup de main
pour porter une poussette dans les escaliers du métro, ou qui
s'attarde à prendre le coude d'un non-voyant pour l'aider à
traverser la route, piétinera sa propre mère à
laquelle il va rendre visite cinq minutes après. Complexe à
analyser, mais ne nous attardons pas trop. Qui, ayant eu le sentiment d'avoir bien travaillé, se voit promu
à l'échelon supérieur par sa hiérarchie,
aura surement le sentiment d'une juste reconnaissance. N'eut-elle pas
été au rendez-vous que la lacune aurait eu bien du mal
à se refermer sur autre chose que de la rancur. Donc une
reconnaissance à ne pas manquer au risque d'un retournement du
comportement de la personne ignorée. Lorsqu'après une confrontation virile autour d'arguments construits
on arrive à convaincre son contradicteur du bien fondé
de sa pensée et qu'il conclue par un " tu as raison "
franc et clair. Quelle reconnaissance ! Si rare
Un petit florilège de reconnaissances donc, pour planter le
décor et illustrer d'entrée la diversité des reconnaissances
qui du simple bonjour souvent tronqué, à l'entre-aide
pour bonne conscience, à la promotion à attribuer au bon
moment, vont devoir s'adapter à chaque personne, varier en intensité,
et arriver au bon moment. Donc assez facile à comprendre mais
pas immédiat dans la réalisation. C'est concentrique et expansif - Ce ne sont que des bons à rien et s'entrainer à changer de posture avec des affirmations positives
: - Les personnes qui sont là sont les bonnes Enfin les courageux, bien sûr, pourront ouvrir un champ immense
de compréhension et de reconnaissance à l'autre en se
questionnant eux-mêmes, sans pour autant perdre leur confiance
en eux, ni leur autorité : - Suis-je vraiment meilleur ? Ceci va induire, plus ou moins à notre insu, une posture dans
nos relations à l'autre dans laquelle la confiance va s'installer
et enclencher des cercles vertueux. A un sourire va répondre
un sourire. Et cela, normalement, ne s'arrête pas là car, un sourire
appelle un sourire de l'autre et cet autre qu'on vient de croiser sans
à peine le connaître mais assez pour le reconnaître,
va lui aussi sourire à la prochaine personne qu'il croisera et
ainsi de suite la démarche risque d'être expansive
j'en prends le risque. Mais ça ne s'arrête toujours pas là. Dans mon discours
intérieur je le reconnais, dans le regard que je lui adresse
il se reconnait, dans l'attitude qu'il a prise il les reconnait à
son tour. Voilà un axe d'expansion. Mais nous avons bien dit
en introduction qu'une reconnaissance était une renaissance en
commun, une renaissance réciproque. Chaque reconnaissance a son
effet boomerang et on peut - on doit - s'attendre à un flux inverse.
Ainsi les clients renvoient-ils à un moment ou un autre la reconnaissance
qu'ils ont eue dans la relation avec leur fournisseur, qui la répercute
sur ses équipes, qui en parlent entre elles
C'est spontané ou préparé ou ritualisé " Nous n'avons pas eu le contrat mais, tout de même, je
vous félicite pour votre travail et l'implication que vous y
avez mis dans cette affaire. Sans aucun doute, nous serons gagnants
à la prochaine consultation. " Voilà des phrases
qui se préparent et sont le fait d'un grand chef capable de reconnaissance
envers les salariés. Mais les timides ou les peu doués pour émettre des signes
de reconnaissance sont aidés par les rendez-vous rituels : les
pots de départ, les anniversaires de mariage
surtout ne
pas manquer ces occasions de signifier à l'autre qu'il existe. Au quotidien, qui pense à réserver un vestiaire, une
chaise, un bureau au nouvel arrivant ? Autant de petites intentions,
de petits gestes qui marquent l'ambiance du service et donne le ton
de la qualité relationnelle entre les personnes de la famille
ou les personnels de l'entreprise. Et en médiation, à quoi sert la reconnaissance
? - Vous êtes d'une race supérieure Ça c'est le mauvais côté. En revanche, il y a un côté ré-équilibrant,
un recentrage coaxial, une mise en ligne de la reconnaissance qui libère
l'homme de son jeu de bande intérieur dans lequel il se perd
lui-même. " J'agis comme cela parce que je souhaiterai
" dit librement un incompris jusque-là dans ses motivations.
" Vous avez raison " lui répond le médiateur.
Tout de suite les barrières à l'expression des motivations
qui semblaient inaudibles par l'environnement, tombent et la parole
se libère. L'homme montre à quel point il est pétri
de bonnes intentions et combien elles sont cohérentes et justifiées.
Bonnes intentions cohérentes et justifiées
pour
lui, bien sûr. Mais c'est déjà beaucoup. Un : si la reconnaissance de son existence est proclamée, la
peur de ne pas exister, la peur de mourir pour faire cours, baisse pour
l'interlocuteur. Cela libère sa parole, il renait car il sent,
il sait, qu'il ne sera pas jugé, pas condamné
à
mort. Dans l'expression libérée, il est possible qu'il
s'entende dire une incohérence qui lui sera alors possible de
rectifier pour que son raisonnement et ses choix de vie retrouvent un
alignement puissant avec ses motivations. Il se recentre de façon
rationnelle avec lui-même. Deux : il est patent que la personne est pétrie de bonnes intentions
vis-à-vis d'elle-même. Ça change tout : elle n'est
pas pétrie de mauvaises intentions vis-à-vis de l'autre
avec lequel elle est en conflit. Ça change tout. Trois : conscient du basculement de la posture vis-à-vis de
l'autre, il est possible de reconnaitre les coups portés maladroitement
par l'adversaire et d'en neutraliser les effets d'escalade incontrôlés
et, même, d'enclencher une désescalade pour éteindre
les effets aliénants des émotions incontrôlées. Plus précisément les coups maladroitement portés
- peut-être pas si maladroitement que cela finalement, puisque
ça a marché, les personnes sont bel et bien en conflit
- tournent toujours autour des même thèmes quelques soient
les conflits : Autant de maladresse que s'imposent réciproquement les parties
ignorantes de ces mécanismes qui les manipulent malgré
elles. Dans un premier temps, accéder à l'idée
qu'on est bien intentionné vis-à-vis de soi et que l'autre
a vraiement été maladroit aide, dans un second temps,
à reconnaître que soi-même on a été
maladroit. C'est gagné. En quelques lignes, nous avons décrit la désescalade
enclenchée par la reconnaissance de l'autre prodiguée
par le médiateur. Ceci est très puissant pour éteindre
les énergies négatives autour d'un conflit et accéder
à un relatif plat émotionnel autour de l'objet du litige
et donc accéder à un choix rationnel parmi les diverses
solutions que l'imagination des parties concernées va découvrir. Non, non, nous ne vous contons pas un conte de fée. C'est bien
comme cela que ça se passe. Et même mieux. La qualité relationnelle On répertorie avec compétence les causes de maladresses
et les articles précédents que nous avons proposés
se font écho notamment de l'importance des mots à ce propos.
Cependant on évoque moins que, presque toujours, les causes objectives
sont associées au ressenti par " l'offensé "
d'un manque de reconnaissance de la part de son interlocuteur. Manque
de reconnaissance réel ou pas d'ailleurs, mais manque de reconnaissance,
d'existence jamais totalement assouvi et dans lequel le conflit vient
ressourcer son énergie. Le médiateur résout les conflits dont il connait les
mécanismes mais, par là-même, il lui est possible
de surveiller les symptômes annonciateurs d'une dégradation
relationnelle qui fera le lit de surenchères au moindre accroc
entre les personnes. Plus que comme un acteur " pompier "
qui intervient quand " le torchon brule " entre les personnes
d'une même entreprise notamment, il préfère être
perçu et intervenir comme expert en qualité relationnelle
qui mène une action de fond, qui forme les personnes et les met
dans une posture relationnelle de qualité, afin de leur éviter
des dérives qu'elles ne contrôleront plus. Evidemment ces
experts en qualité relationnelle - les médiateurs - surveillent
la façon dont circulent les reconnaissances dans le groupe, les
modalités concrètes de celles-ci, les signes visibles
émis auprès de chacun. La reconnaissance est donc le levier majeur pour apaiser la charge
émotionnelle dans les conflits et elle est aussi un critère
essentiel pour la réussite des missions d'amélioration
de la qualité relationnelle.
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