L'une des originalités et, nous le croyons, l'un
des éléments essentiels de l'efficacité de la Médiation
Professionnelle résident dans les entretiens préliminaires à
l'inimaginable discussion que constitue la réunion plénière
de médiation proprement dite. Lors de cet entretien individuel, le savoir
faire du médiateur consiste à garder sa posture. Il n'est point
tant de neutralité, d'impartialité ou d'indépendance dont
il est question, que de sa capacité à ne pas sortir d'une relation
" altéro-centrée " avec l'une puis l'autre partie. Qu'est-ce
à dire ? Intellectuellement relativement facile à conceptualiser
et à comprendre, cette posture n'est pas du tout évidente à
saisir et à garder en pratique. Notre parcours personnel d'homme, d'homme
d'affaires et d'écrivain entre autres, nous amène à témoigner
et à réfléchir avec vous sur ce qu'est réellement
un entretien altéro-centré et notamment par rapport à d'autres
modes de relation. LA POLITESSE - Bonjour Monsieur, comment
allez-vous ? - Très bien, merci et vous-même ? Voilà
bien un échange particulièrement palpitant pour débuter un
grand roman d'aventure et d'amour. Nous nous moquons de nous-mêmes, bien
sûr. Et pourtant
il y a là déjà énormément
de choses : " Bonjour : On affiche, d'entrée, être plein
de bonnes intentions vis-à-vis de notre interlocuteur, en lui souhaitant
une bonne journée, gratis. On suppose, peut-être, ainsi tacitement
répondre à la question que tout un chacun est sensé se poser
devant un étranger : ami ou ennemi ? Or c'est une bonne question dont la
psychanalyse nous confirme bien l'importance primaire à la suite de la
perte par l'homme de son narcissisme vers l'époque du paléolithique.
Il n'est pas lieu de faire la psychanalyse de l'humanité ici et la simple
évocation de la phrase précédente est probablement déjà
une source de nausée pour vous et bien d'autres. Et justement, c'est précisément
pour cette raison que " bonjour " a été ritualisé
pour ne pas avoir à entrer à chaque fois dans l'apparence d'un traitement
fumeux d'une peur de l'étranger. Mais rituel ne veut pas dire perte de
sens, même si le sens en a été perdu de vue
"
Monsieur : c'est là que les choses basculent. " Monsieur " est
une apostrophe sociale - réduction de Mon Seigneur - qui semble a priori
flatter l'interlocuteur. Et pourtant, dans une certaine mesure, elle cantonne
dès le premier échange la personne dans une grille sociale - il
s'agit d'un Monsieur, pas d'un Enfant ou d'une Dame, par exemple - et derrière
un écran social - il ne s'agit pas de toi ou moi, de Paul, Pierre ou Jacques,
mais de Monsieur. On pourrait dire aussi que cet écran convenu est une
protection ou une marque de délicatesse vis-à-vis de la personne
qui est derrière le Monsieur. Ça peut dire aussi que nous nous plaçons
uniformément au même niveau que la personne en face de nous et que,
nous aussi, nous sommes un Monsieur et, donc, que nous ne sommes pas dans une
relation parent ou enfant mais adulte comme nous l'évoque l'analyse transactionnelle.
Ça peut vouloir dire encore bien des choses et l'Écrivain pourrait
vous en trouver plein mais les médiateurs n'aiment pas prêter d'intentions
à leurs interlocuteurs, donc
Donc, vous l'avez compris, le sens de
l'emploi de Monsieur n'est pas important ; l'important est que le seul emploi
de Monsieur ouvre de facto la discussion sur la distance entre la personne et
son masque social. " Bonjour Paul
" n'ouvre pas cette discussion
car nous sommes, alors, dans une relation de personne à personne et non
de Monsieur à Monsieur. " Comment allez-vous ? : a priori sympa
comme question. On s'inquiète de la santé du Monsieur, on est prêt
à écouter ses petits malheurs, on est prêt à être
compatissant, on n'est pas des bêtes tout de même
Voilà
qui devrait mettre l'autre dans des bonnes dispositions à notre égard.
A force de multiplier les marques de bonnes intentions, de condescendance
et de compassion envers Monsieur celui-ci va bien finir par être convaincu
de nos bons sentiments à son égard et va nous le rendre. Ça
ne tarde pas " très bien, merci et vous-même ? ". C'est
gagné, ils s'aiment. Nous vous avions dit que nous étions au
début d'un grand roman d'aventure et d'amour
Loin de nous l'idée
que les marques de politesse ne seraient pas des signes de la qualité relationnelle
entre les personnes et qu'il suffirait d'être un ours mal léché
pour entretenir des bons rapports avec ses congénères. Mais, nous
le verrons, dans une grande mesure, un entretien altéro-centré est
justement l'inverse de ce que nous venons de voir : il s'adresse à la personne
en personne et pas es qualité, il n'est pas dans la compassion, la sympathie,
l'empathie mais dans la recherche de la rationalisation de la relation et de la
situation conflictuelle dans laquelle se trouve l'interlocuteur. Puis, sommes-nous
réellement si bien intentionnés que cela envers nos voisins ?
L'INCOMMUNICABILITE
ENTRE LES ETRES OU ETHOS, LOGOS, PATHOS D'ARISTOTE Nous ne sommes pas arrivés
à choisir entre ces deux titres pour ce chapitre, l'un ressemble à
un lieu commun tant il est connu et vécu douloureusement au quotidien par
chacun d'entre nous - même presque toujours sans le savoir -, l'autre, plus
positif car il s'agit de convaincre en utilisant les règles de la rhétorique
et plus flatteur par sa référence intellectuelle à Aristote,
illustre combien la question ne date pas d'hier. Une autre manière,
pour dire cette difficulté (impossibilité) de communiquer entre
les hommes, est de mentionner les 7 filtres bien connus eux-aussi : 1/ ce que
je veux dire, 2/ ce que je dis, 3/ ce qu'il entend, 4/ ce qu'il écoute,
5/ ce qu'il comprend, 6/ ce qu'il admet, 7/ ce qu'il retient. Après cela
que reste-t-il de nos amours ? Bon, la chose est connue depuis le fond des
temps, et la médiation alors ? En fait, nous sommes au cur du conflit
et de la médiation : l'incompréhension, les filtres, les leviers
affectifs de la rhétorique, tout cela n'est maîtrisable parfaitement
par personne. En Médiation Professionnelle, on nomme cette difficulté
relationnelle inhérente à la nature humaine : maladresse. Oui,
la qualité relationnelle passe par la compréhension de ce que dit
l'autre. Une lapalissade mais tout de même bonne à rappeler. Dans
l'entretien altéro-centré, l'autre est avec lui-même car le
médiateur le recentre sur lui-même. C'est souvent bien compliqué
d'être avec soi-même, mais moins avec l'aide du médiateur car
les filtres et les altérations dues à l'affectif vont tomber
.
La personne petit à petit va prendre conscience de sa maladresse et de
celle de son partenaire en conflit.
PAPA, MAMAN " Racontez-moi
comment Papa, Maman ? "
Là, ça ressemble au début
d'une psychanalyse. Voilà un mode de relation particulier aussi. Sans
être spécialiste de ce mode de relation, nous en avons, nous semble-t-il,
repéré deux idées : Le transfert. Il permet, quand
la relation avec le psy fonctionne bien (et c'est tout une alchimie) de transférer
sur lui l'image d'une personne de notre entourage avec laquelle les relations
se sont, en général, douloureusement passées et de revivre,
en vase clos, des scènes très intériorisées pour pouvoir
les analyser et les remettre dans un ordre qui ne fait plus souffrir
Normalement.
Ce n'est pas un trait de notre irrésistible humour, non, nous disons bien
: normalement. On revit la relation qui a fait souffrir pour qu'elle devienne
Normale. Sans que l'on sache bien ce que veut dire Normal, on comprend que le
but est de retrouver la norme. Rien à voir avec l'entretien altéro-centré
du médiateur. Le transfert est une projection sur le psychanalyste et donc
une relation décentrée de la personne en consultation. D'autre part,
le retour à une relation normale avec Papa Maman n'est pas le but que la
qualité relationnelle recherche. Certes, il y a des personnes dont le terreau
psychologique rend plus sensibles que d'autres pour réagir aux maladresses
qui nous entourent tous. Certes, on cite volontiers en matière de médiation
pour héritage, le cas d'un accord arrivant à maturité, enfin,
et qui capote à la dernière minute à propos d'une petite-cuillère
en argent car l'un des enfants avait gardé en travers de la gorge, depuis
60 ans, une décision qu'aurait prise sa maman en faveur de son petit frère
et dont il est resté frustré depuis lors. Le moment de l'héritage
était pour lui l'occasion de remettre les compteurs à zéro.
Certes, cela ressemble à des choses qui peuvent se traiter en psychanalyse
et il va bien falloir les " dérocter " pour mener à bien
une médiation. Mais cela se fait par un entretien altéro-centré
qui va suivre la personne jusque-là où ça lui a fait mal
pour qu'elle en prenne conscience, qu'elle ne reste plus bloquée sur sa
position et qu'elle n'arrête plus la résolution de l'héritage,
pour une petite cuillère. Stop. En médiation, on ne cherchera pas
à lui faire remettre en ordre sa relation mal vécue dans son enfance. A
dessein, nous n'avons pas utilisé le mot de thérapie pour une psychanalyse
car une personne qui souffre (en général c'est parce qu'on souffre
que l'on consulte) n'est pas forcément quelqu'un qui est malade mental.
Depuis le 19éme siècle les psys ne regardent plus les gens qui viennent
les voir comme des malades auxquels ils appliquent une thérapie mais comme
des personnes dont ils accompagnent le cheminement. Le psy, pas plus que le médiateur,
ne voit la personne comme devant être soignée. En revanche, la psy
vise à retirer la douleur, le médiateur vise à résoudre
un conflit et les postures sont inverses et les objectifs différents. La
contrepèterie. Là, ce voudrait être de l'humour. Car enfin,
on note l'extrême adresse des psychanalystes pour écouter les mots
que nous utilisons et proposer une recomposition de leurs syllabes qui serait
le langage agissant de notre inconscient. Ça ressemble quelquefois à
des exercices de contrepèterie. Quelques exemples : tourner les talons
et tourner l'étalon ; l' " e " muet et le muet ; vendre la ferme
(vendre le bâtiment agricole) et vendre la ferme (vendre son silence)
Il est en effet fréquent que ce décalage entre la compréhension
directe des mots et leurs sens différents agissant dans notre inconscient
crée des tensions terriblement douloureuses. Il est vrai que, si on ne
se comprend pas bien soi-même, cela devient plus compliqué pour se
comprendre avec les autres. Mais il est faux de croire qu'il faut arriver à
une parfaite synchronisation de son conscient et de son inconscient pour entretenir
avec les autres une certaine qualité relationnelle. Car personne n'arrive
à cette synchronisation parfaite - nous sommes tous des névrosés,
youpi ! - or il est tout à fait possible d'entretenir avec autrui des relations
de qualité, même si on souffre de quelque chose dont on ne connait
pas bien les contours. Donc, le psychanalyste va déterrer les contrepèteries
pour faire disparaître certaines sources de douleur. Le médiateur
n'est pas sourd, mais écoute surtout le sens rationnel des mots et l'engagement
que cela représente pour la personne de les prononcer devant un tiers.
AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES Qui osera dire qu'il ne s'agit
pas d'une bonne idée de qualité relationnelle ? D'ailleurs, la religion,
comme son nom l'indique, consiste bien à mettre les gens en relation (entre
eux et avec Dieu nous supposons). Mais qui osera dire, avec le recul, que ça
marche ? Tant les guerres, depuis l'Homme, sont toutes faites au nom de Dieu.
Or les guerres sont l'une des expressions les plus violentes des conflits entre
les hommes. Force est donc de constater que les conflits et leurs mécanismes
ne sont pas directement liés à l'amour. Ils échappent à
cette dimension, au moins suffisamment pour qu'à contrario l'amour ne soit
pas suffisant pour résoudre les conflits. Comme pour l'impossibilité
des êtres à communiquer entre eux, on peut entrer dans la logique
d'impossibilité des êtres à aimer sans l'aide de Dieu. Et
c'est d'ailleurs la raison de la venue du Christ qui a une mission de médiation
des hommes entre eux et avec leur Créateur - que des maladroits
Dans
l'épitre aux Hébreux, Jésus Christ est désigné
plusieurs fois comme " le Médiateur de la nouvelle alliance ".
Nous voilà bien encombré avec cet illustre prédécesseur
qui d'ailleurs - il nous en avait averti - a laissé derrière lui
une " certaine pagaille et une bonne série de conflits". Pourquoi
? Il n'est pas possible de dissocier complètement les conflits et la
relation d'amour (ou de haine, c'est la même chose à l'envers) et
donc de la relation avec Dieu qui a déposé de longue date brevets
et droits de propriété intellectuelle le sujet. Mais, à contrario,
il n'est pas possible (très difficile) de résoudre un conflit à
coup d'amour car l'amour trouve sa justification dans la transcendance post mortem
et donc est d'une autre substance non rationalisable comme peut l'être l'incarnation
charnelle et psychologique de l'homme. En réalité la résolution
des conflits par l'amour - si ce n'est aimez vous les uns les autres comme je
vous ai aimé, au moins pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons
aussi à ceux qui nous ont offensé - ne fonctionne pas bien car,
dans quasiment tous les cas, le crescendo qui porte un conflit au rang de la mystique
n'est pas une élévation de l'homme, qui se sent bafoué, vers
la justice retrouvée face à la toute puissance du Créateur
qui sait tout et comprend tout. C'est une instrumentalisation de cette puissance
absolue pour légitimer une position tellement pleine de " bons sentiments
et de bon sens ". On croit s'élever vers Dieu en portant le conflit
au niveau de la mystique mais, en réalité, on instrumentalise Dieu
pour se justifier. Donc on croit s'élever vers Dieu en l'invoquant mais,
en réalité, on l'abaisse à notre niveau. Or, c'est lui qui
s'abaisse à notre niveau pour nous relever. Ce contre sens, - au sens propre
- est le B.A. BA du péché originel inhérent à la condition
humaine dont on n'est pas près de se débarrasser. En pratique ce
n'est pas en aimant qu'on résout un conflit mais c'est en résolvant
un conflit que l'on progresse dans l'amour. Ça fonctionne dans l'autre
sens. D'autres développements pourraient être faits sur cette
question éminemment intéressante et touchy. Mais en voilà
assez pour une note comme celle-là. La médiation et la religion
ont à voir l'une avec l'autre mais de loin et probablement dans une mécanique
de relation qui devrait être inversée du sens spontané, en
raison de la condition humaine. Cela conditionne de façon très profonde
les relations altéro-centrées lors d'une médiation. Pour
qu'une relation altéro-centrée fonctionne, il faut justement bien
séparer l'Église et l'État. Alors, peut-être, à
l'issue de la résolution du conflit, la synchronisation entre les deux
pourrait être trouvée, pour ceux pour qui c'est important. Mais le
conflit sera résolu et pour nous, Médiateurs Professionnels, c'est
ça l'important. Vous avez remarqué que nous ne sommes pas entrés
dans une dialectique de type moralisateur et donc culpabilisateur qui est accrochée,
à tort, à la religion. C'est une interprétation erronée
de la spiritualité dont tout le sens est justement de pardonner l'erreur,
de libérer l'homme de son péché et donc de bannir la culpabilité
qui n'est autre que le bras de levier du diable. Même les religieux ont
compris qu'il n'était pas intelligent ( qu'il était interdit) de
juger et de culpabiliser, surtout si on veut résoudre un conflit. Mais
tant ont tant besoin de la cantonner dans le rôle inverse. Pourquoi ?
LA
VISITATION DE L'ECRIVAIN Ce n'est pas à nouveau le début
d'un roman, mais la source des romans : la relation rétro-centrée
de l'écrivain avec ses héros. A dessein, nous avons choisi le vocable
rétro-centré pour faire la différence (l'inverse) avec altéro-centré.
Non, l'écrivain n'entre pas dans la peau des personnages, ça c'est
ce que disent ceux qui n'ont pas écrit de roman. Ce sont les héros
qui entrent dans la peau de l'auteur, qui lui piquent ses mots, qui lui empruntent
les anecdotes de sa vie peut-être, mais pour les revivre à leurs
manières et pas suivant le conscient ou l'inconscient ou le subconscient
de l'auteur, non, pour les vivre à leurs manières à eux.
Pour les religieux on pourrait dire qu'il s'agit d'une visitation. Pour Pirandello
il s'agit " de personnages en quête d'auteurs " qui s'emparent
de la plume de l'auteur pour raconter leurs histoires et vivre leurs vies propre
et pas du tout celles auxquelles l'auteur les aurait prédestinés.
C'est troublant mais c'est dans ce sens que les choses se passent, ce sont les
héros qui se projettent dans la plume de l'auteur pour écrire leurs
romans et non l'auteur qui se projette dans ses personnages pour écrire
son roman. L'écrivain doit s'effacer (pas facile) pour laisser vivre en
lui les personnages, l'écrivain n'est que le porte-plume. Cette alchimie
ne serait pas complète sans celle inversée du lecteur. Si le roman
fonctionne bien, le lecteur va prendre sur lui les héros et leurs actions,
il va s'identifier à la ressemblance ou au rejet avec les personnages qui
sont incarnés devant lui et dans son imaginaire. Dans cette perspective,
vous concevez que l'écrivain et son livre sont déjà, dans
une certaine mesure, un espace de libération pour les héros pour
qu'ils vivent pleinement, mais aussi un espace libre de préemption du lecteur
pour s'approprier à sa guise telle ou telle ressemblance avec tel ou tel
personnage, ou tous - alors s'est gagné. Très rares dans la vie
sont les relations d'une telle liberté entre des personnes qui ne se connaissent
pas et qui, pourtant, sont dans une forte intimité. L'auteur remplit, à
sa manière, une mission de médiation entre les héros et les
lecteurs. Il est passé, pour se faire, par une relation rétro-centré
avec les personnages, relation que reproduit le lecteur. Le mécanisme
est le même que dans une relation altéro-centrée mais il tourne
à l'envers.
LE COURT CIRCUIT DE L'ALTERO-CENTRE. Il
serait temps, accordez-le nous, de parler enfin de ce qu'est un entretien altéro-centré.
Nous en avons déjà émietté ci-dessus quelques
caractéristiques à l'occasion de comparaisons avec d'autres modes
de relation. Rappelons. Le Médiateur reste poli, certes, mais n'endosse
pas une relation de politesse comme le moyen d'avancer dans l'entretien : intention
bonne ou mauvaise vis-à-vis de son interlocuteur, flatterie, compassion,
jeu de rôle social. Il s'adresse à la personne. Il connait l'incommunicabilité
entre les êtres et évite d'être lui-même incompréhensible
et va aider le consultant à prendre conscience de sa propre maladresse.
Il ne soigne pas, il n'entre pas dans une relation de transfert et ne joue pas
au savant cosinus avec les mots. Il ne prie pas pour son interlocuteur et n'entre
pas dans une relation en référence à la morale qui pourrait
l'amener à porter à un jugement sur son interlocuteur. Il n'entre
pas en empathie ou sympathie avec la personne en face de lui, ni ne se projette
sur elle ; systématiquement il la renvoie sur elle-même. Ca fait
déjà beaucoup
Ce qui vient d'être dit est souvent
par la négative. En effet, le Médiateur, dans les entretiens altéro-centrés,
ne fait pas un grand nombre de choses qui se pratiquent dans les relations de
la vie courante ou même dans certaines relations professionnelles. C'est
dire qu'il doit être formé et que ces relations altéro-centrées
ne vont pas s'établir toutes seules. Il court-circuite en quelque sorte
la relation avec l'autre en branchant directement l'autre avec lui-même.
Ce n'est pas compliqué - même si c'est difficile -, comme son nom
l'indique, il s'agit d'une relation centrée sur l'autre. Qu'est-ce à
dire ? C'est dire qu'il est neutre, indépendant, impartial, d'accord.
D'ailleurs, il n'est pas le seul à avoir, ou devrait avoir, ces qualités
: le psy, l'écrivain évoqués ci-dessus devraient répondre
aussi à ces critères de qualités professionnelles. C'est
dire que le médiateur éteint sa radio interne. Il se tait à
lui-même. Il écoute et reste centré sur la personne en face
de lui. Il accompagne la logique du mandant franchement sans une hésitation
que pourrait lui inspirer ses jugements personnels sur tel ou tel aspect de l'histoire
qui lui est racontée, sans se souvenir d'expériences personnelles
semblables par lesquelles il est lui-même passé, en oubliant son
immense compétence personnelle sur le sujet du litige, en s'effaçant,
quoi ! Mais attention, le médiateur n'est cependant pas falot,
il est présent à l'entretien. Il parle, il intervient. Il agit en
relief et même plus. Trois dimensions en relief donc, il calme, il déstabilise
en osant dire, il élève le débat. Et plus, il guide le processus
de maturation dans lequel entre la personne en face de lui pour prendre mieux
conscience du conflit dans lequel elle s'est enfermée et comment en sortir.
Cependant,
nous avions dit que nous étions là pour témoigner et réfléchir
avec vous. Nous ne sommes pas là pour réciter notre question de
cours. Aussi, pour plus de détail pratique nous vous invitons à
vous inscrire à la formation de l'EPMN (Ecole Professinnelle de la médiation
et de la Négociation). Donc, assez sur ce point. L'important est qu'en
gardant la posture du médiateur, en ne sortant pas d'une relation altéro-centrée,
le médiateur trouve tout naturellement les mots qui pourtant auront été
professionnalisés par une formation ad hoc et ne se perde pas dans l'entretien.
Ah
oui ! J'oubliais ! Il se dit des choses dans une relation altéro-centrée,
des choses qui peuvent intéresser bien des institutions, bien des parties
prenantes dans le conflit. Seulement voilà, la posture de relation altéro-centrée
n'a de sens que si ces choses restent entre le Médiateur et le consultant.
Motus et bouche cousue. La confidentialité n'est pas l'apanage du médiateur,
le secret de la confession, la pudeur d'auteur ou même, dans un moindre
degré, la discrétion dans les relations au quotidien, ne sont pas
des options. Il est important dans la vie de savoir se taire mais en médiation
et en entretien altéro-centrée la confidentialité est l'obligation
d'un service après vente infaillible. On commence tout de suite à
s'entrainer : ce que nous vous en avons dit depuis quelques pages est très
intime et nous comptons bien sûr sur vous pour ne pas en parler, pas un
mot, pas une fuite.
Très égoïstement, ou d'une façon
égocentrée si vous préférez, nous avions un intérêt
personnel à éclaircir ce qu'est une relation altéro-centrée
sous l'éclairage d'autres modes de relations quotidiennes ou plus spécifiques
que nous avons eu l'occasion de pratiquer ou de rencontrer au cours de notre parcours.
Allez ! dites nous que cela ne vous aura pas tout à fait ennuyé
de partager cette réflexion avec nous. Allez ! pour nous faire plaisir.
Merci.
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