Entretien altéro-centré
Janvier 2015

Notre parcours personnel d'homme, d'homme d'affaires et d'écrivain entre autres, nous amène à témoigner et à réfléchir avec vous sur ce qu'est réellement un entretien altéro-centré et notamment par rapport à d'autres modes de relation.

L'une des originalités et, nous le croyons, l'un des éléments essentiels de l'efficacité de la Médiation Professionnelle résident dans les entretiens préliminaires à l'inimaginable discussion que constitue la réunion plénière de médiation proprement dite. Lors de cet entretien individuel, le savoir faire du médiateur consiste à garder sa posture. Il n'est point tant de neutralité, d'impartialité ou d'indépendance dont il est question, que de sa capacité à ne pas sortir d'une relation " altéro-centrée " avec l'une puis l'autre partie. Qu'est-ce à dire ?
Intellectuellement relativement facile à conceptualiser et à comprendre, cette posture n'est pas du tout évidente à saisir et à garder en pratique. Notre parcours personnel d'homme, d'homme d'affaires et d'écrivain entre autres, nous amène à témoigner et à réfléchir avec vous sur ce qu'est réellement un entretien altéro-centré et notamment par rapport à d'autres modes de relation.


LA POLITESSE
- Bonjour Monsieur, comment allez-vous ?
- Très bien, merci et vous-même ?
Voilà bien un échange particulièrement palpitant pour débuter un grand roman d'aventure et d'amour. Nous nous moquons de nous-mêmes, bien sûr. Et pourtant… il y a là déjà énormément de choses :
" Bonjour : On affiche, d'entrée, être plein de bonnes intentions vis-à-vis de notre interlocuteur, en lui souhaitant une bonne journée, gratis. On suppose, peut-être, ainsi tacitement répondre à la question que tout un chacun est sensé se poser devant un étranger : ami ou ennemi ? Or c'est une bonne question dont la psychanalyse nous confirme bien l'importance primaire à la suite de la perte par l'homme de son narcissisme vers l'époque du paléolithique. Il n'est pas lieu de faire la psychanalyse de l'humanité ici et la simple évocation de la phrase précédente est probablement déjà une source de nausée pour vous et bien d'autres. Et justement, c'est précisément pour cette raison que " bonjour " a été ritualisé pour ne pas avoir à entrer à chaque fois dans l'apparence d'un traitement fumeux d'une peur de l'étranger. Mais rituel ne veut pas dire perte de sens, même si le sens en a été perdu de vue…
" Monsieur : c'est là que les choses basculent. " Monsieur " est une apostrophe sociale - réduction de Mon Seigneur - qui semble a priori flatter l'interlocuteur. Et pourtant, dans une certaine mesure, elle cantonne dès le premier échange la personne dans une grille sociale - il s'agit d'un Monsieur, pas d'un Enfant ou d'une Dame, par exemple - et derrière un écran social - il ne s'agit pas de toi ou moi, de Paul, Pierre ou Jacques, mais de Monsieur. On pourrait dire aussi que cet écran convenu est une protection ou une marque de délicatesse vis-à-vis de la personne qui est derrière le Monsieur. Ça peut dire aussi que nous nous plaçons uniformément au même niveau que la personne en face de nous et que, nous aussi, nous sommes un Monsieur et, donc, que nous ne sommes pas dans une relation parent ou enfant mais adulte comme nous l'évoque l'analyse transactionnelle. Ça peut vouloir dire encore bien des choses et l'Écrivain pourrait vous en trouver plein mais les médiateurs n'aiment pas prêter d'intentions à leurs interlocuteurs, donc… Donc, vous l'avez compris, le sens de l'emploi de Monsieur n'est pas important ; l'important est que le seul emploi de Monsieur ouvre de facto la discussion sur la distance entre la personne et son masque social. " Bonjour Paul… " n'ouvre pas cette discussion car nous sommes, alors, dans une relation de personne à personne et non de Monsieur à Monsieur.
" Comment allez-vous ? : a priori sympa comme question. On s'inquiète de la santé du Monsieur, on est prêt à écouter ses petits malheurs, on est prêt à être compatissant, on n'est pas des bêtes tout de même… Voilà qui devrait mettre l'autre dans des bonnes dispositions à notre égard.
A force de multiplier les marques de bonnes intentions, de condescendance et de compassion envers Monsieur celui-ci va bien finir par être convaincu de nos bons sentiments à son égard et va nous le rendre. Ça ne tarde pas " très bien, merci et vous-même ? ". C'est gagné, ils s'aiment.
Nous vous avions dit que nous étions au début d'un grand roman d'aventure et d'amour…
Loin de nous l'idée que les marques de politesse ne seraient pas des signes de la qualité relationnelle entre les personnes et qu'il suffirait d'être un ours mal léché pour entretenir des bons rapports avec ses congénères. Mais, nous le verrons, dans une grande mesure, un entretien altéro-centré est justement l'inverse de ce que nous venons de voir : il s'adresse à la personne en personne et pas es qualité, il n'est pas dans la compassion, la sympathie, l'empathie mais dans la recherche de la rationalisation de la relation et de la situation conflictuelle dans laquelle se trouve l'interlocuteur. Puis, sommes-nous réellement si bien intentionnés que cela envers nos voisins ?


L'INCOMMUNICABILITE ENTRE LES ETRES OU ETHOS, LOGOS, PATHOS D'ARISTOTE
Nous ne sommes pas arrivés à choisir entre ces deux titres pour ce chapitre, l'un ressemble à un lieu commun tant il est connu et vécu douloureusement au quotidien par chacun d'entre nous - même presque toujours sans le savoir -, l'autre, plus positif car il s'agit de convaincre en utilisant les règles de la rhétorique et plus flatteur par sa référence intellectuelle à Aristote, illustre combien la question ne date pas d'hier.
Une autre manière, pour dire cette difficulté (impossibilité) de communiquer entre les hommes, est de mentionner les 7 filtres bien connus eux-aussi : 1/ ce que je veux dire, 2/ ce que je dis, 3/ ce qu'il entend, 4/ ce qu'il écoute, 5/ ce qu'il comprend, 6/ ce qu'il admet, 7/ ce qu'il retient. Après cela que reste-t-il de nos amours ?
Bon, la chose est connue depuis le fond des temps, et la médiation alors ? En fait, nous sommes au cœur du conflit et de la médiation : l'incompréhension, les filtres, les leviers affectifs de la rhétorique, tout cela n'est maîtrisable parfaitement par personne. En Médiation Professionnelle, on nomme cette difficulté relationnelle inhérente à la nature humaine : maladresse.
Oui, la qualité relationnelle passe par la compréhension de ce que dit l'autre. Une lapalissade mais tout de même bonne à rappeler.
Dans l'entretien altéro-centré, l'autre est avec lui-même car le médiateur le recentre sur lui-même. C'est souvent bien compliqué d'être avec soi-même, mais moins avec l'aide du médiateur car les filtres et les altérations dues à l'affectif vont tomber…. La personne petit à petit va prendre conscience de sa maladresse et de celle de son partenaire en conflit.

PAPA, MAMAN
" Racontez-moi comment Papa, Maman ? "… Là, ça ressemble au début d'une psychanalyse. Voilà un mode de relation particulier aussi.
Sans être spécialiste de ce mode de relation, nous en avons, nous semble-t-il, repéré deux idées :
Le transfert. Il permet, quand la relation avec le psy fonctionne bien (et c'est tout une alchimie) de transférer sur lui l'image d'une personne de notre entourage avec laquelle les relations se sont, en général, douloureusement passées et de revivre, en vase clos, des scènes très intériorisées pour pouvoir les analyser et les remettre dans un ordre qui ne fait plus souffrir… Normalement. Ce n'est pas un trait de notre irrésistible humour, non, nous disons bien : normalement. On revit la relation qui a fait souffrir pour qu'elle devienne Normale. Sans que l'on sache bien ce que veut dire Normal, on comprend que le but est de retrouver la norme.
Rien à voir avec l'entretien altéro-centré du médiateur. Le transfert est une projection sur le psychanalyste et donc une relation décentrée de la personne en consultation. D'autre part, le retour à une relation normale avec Papa Maman n'est pas le but que la qualité relationnelle recherche. Certes, il y a des personnes dont le terreau psychologique rend plus sensibles que d'autres pour réagir aux maladresses qui nous entourent tous. Certes, on cite volontiers en matière de médiation pour héritage, le cas d'un accord arrivant à maturité, enfin, et qui capote à la dernière minute à propos d'une petite-cuillère en argent car l'un des enfants avait gardé en travers de la gorge, depuis 60 ans, une décision qu'aurait prise sa maman en faveur de son petit frère et dont il est resté frustré depuis lors. Le moment de l'héritage était pour lui l'occasion de remettre les compteurs à zéro. Certes, cela ressemble à des choses qui peuvent se traiter en psychanalyse et il va bien falloir les " dérocter " pour mener à bien une médiation. Mais cela se fait par un entretien altéro-centré qui va suivre la personne jusque-là où ça lui a fait mal pour qu'elle en prenne conscience, qu'elle ne reste plus bloquée sur sa position et qu'elle n'arrête plus la résolution de l'héritage, pour une petite cuillère. Stop. En médiation, on ne cherchera pas à lui faire remettre en ordre sa relation mal vécue dans son enfance.
A dessein, nous n'avons pas utilisé le mot de thérapie pour une psychanalyse car une personne qui souffre (en général c'est parce qu'on souffre que l'on consulte) n'est pas forcément quelqu'un qui est malade mental. Depuis le 19éme siècle les psys ne regardent plus les gens qui viennent les voir comme des malades auxquels ils appliquent une thérapie mais comme des personnes dont ils accompagnent le cheminement. Le psy, pas plus que le médiateur, ne voit la personne comme devant être soignée. En revanche, la psy vise à retirer la douleur, le médiateur vise à résoudre un conflit et les postures sont inverses et les objectifs différents.
La contrepèterie. Là, ce voudrait être de l'humour. Car enfin, on note l'extrême adresse des psychanalystes pour écouter les mots que nous utilisons et proposer une recomposition de leurs syllabes qui serait le langage agissant de notre inconscient. Ça ressemble quelquefois à des exercices de contrepèterie. Quelques exemples : tourner les talons et tourner l'étalon ; l' " e " muet et le muet ; vendre la ferme (vendre le bâtiment agricole) et vendre la ferme (vendre son silence)… Il est en effet fréquent que ce décalage entre la compréhension directe des mots et leurs sens différents agissant dans notre inconscient crée des tensions terriblement douloureuses. Il est vrai que, si on ne se comprend pas bien soi-même, cela devient plus compliqué pour se comprendre avec les autres. Mais il est faux de croire qu'il faut arriver à une parfaite synchronisation de son conscient et de son inconscient pour entretenir avec les autres une certaine qualité relationnelle. Car personne n'arrive à cette synchronisation parfaite - nous sommes tous des névrosés, youpi ! - or il est tout à fait possible d'entretenir avec autrui des relations de qualité, même si on souffre de quelque chose dont on ne connait pas bien les contours. Donc, le psychanalyste va déterrer les contrepèteries pour faire disparaître certaines sources de douleur. Le médiateur n'est pas sourd, mais écoute surtout le sens rationnel des mots et l'engagement que cela représente pour la personne de les prononcer devant un tiers.


AIMEZ-VOUS LES UNS LES AUTRES
Qui osera dire qu'il ne s'agit pas d'une bonne idée de qualité relationnelle ? D'ailleurs, la religion, comme son nom l'indique, consiste bien à mettre les gens en relation (entre eux et avec Dieu nous supposons).
Mais qui osera dire, avec le recul, que ça marche ? Tant les guerres, depuis l'Homme, sont toutes faites au nom de Dieu. Or les guerres sont l'une des expressions les plus violentes des conflits entre les hommes.
Force est donc de constater que les conflits et leurs mécanismes ne sont pas directement liés à l'amour. Ils échappent à cette dimension, au moins suffisamment pour qu'à contrario l'amour ne soit pas suffisant pour résoudre les conflits.
Comme pour l'impossibilité des êtres à communiquer entre eux, on peut entrer dans la logique d'impossibilité des êtres à aimer sans l'aide de Dieu. Et c'est d'ailleurs la raison de la venue du Christ qui a une mission de médiation des hommes entre eux et avec leur Créateur - que des maladroits… Dans l'épitre aux Hébreux, Jésus Christ est désigné plusieurs fois comme " le Médiateur de la nouvelle alliance ". Nous voilà bien encombré avec cet illustre prédécesseur… qui d'ailleurs - il nous en avait averti - a laissé derrière lui une " certaine pagaille et une bonne série de conflits". Pourquoi ?
Il n'est pas possible de dissocier complètement les conflits et la relation d'amour (ou de haine, c'est la même chose à l'envers) et donc de la relation avec Dieu qui a déposé de longue date brevets et droits de propriété intellectuelle le sujet. Mais, à contrario, il n'est pas possible (très difficile) de résoudre un conflit à coup d'amour car l'amour trouve sa justification dans la transcendance post mortem et donc est d'une autre substance non rationalisable comme peut l'être l'incarnation charnelle et psychologique de l'homme.
En réalité la résolution des conflits par l'amour - si ce n'est aimez vous les uns les autres comme je vous ai aimé, au moins pardonne nous nos offenses comme nous pardonnons aussi à ceux qui nous ont offensé - ne fonctionne pas bien car, dans quasiment tous les cas, le crescendo qui porte un conflit au rang de la mystique n'est pas une élévation de l'homme, qui se sent bafoué, vers la justice retrouvée face à la toute puissance du Créateur qui sait tout et comprend tout. C'est une instrumentalisation de cette puissance absolue pour légitimer une position tellement pleine de " bons sentiments et de bon sens ". On croit s'élever vers Dieu en portant le conflit au niveau de la mystique mais, en réalité, on instrumentalise Dieu pour se justifier. Donc on croit s'élever vers Dieu en l'invoquant mais, en réalité, on l'abaisse à notre niveau. Or, c'est lui qui s'abaisse à notre niveau pour nous relever. Ce contre sens, - au sens propre - est le B.A. BA du péché originel inhérent à la condition humaine dont on n'est pas près de se débarrasser. En pratique ce n'est pas en aimant qu'on résout un conflit mais c'est en résolvant un conflit que l'on progresse dans l'amour. Ça fonctionne dans l'autre sens.
D'autres développements pourraient être faits sur cette question éminemment intéressante et touchy. Mais en voilà assez pour une note comme celle-là. La médiation et la religion ont à voir l'une avec l'autre mais de loin et probablement dans une mécanique de relation qui devrait être inversée du sens spontané, en raison de la condition humaine. Cela conditionne de façon très profonde les relations altéro-centrées lors d'une médiation. Pour qu'une relation altéro-centrée fonctionne, il faut justement bien séparer l'Église et l'État. Alors, peut-être, à l'issue de la résolution du conflit, la synchronisation entre les deux pourrait être trouvée, pour ceux pour qui c'est important. Mais le conflit sera résolu et pour nous, Médiateurs Professionnels, c'est ça l'important.
Vous avez remarqué que nous ne sommes pas entrés dans une dialectique de type moralisateur et donc culpabilisateur qui est accrochée, à tort, à la religion. C'est une interprétation erronée de la spiritualité dont tout le sens est justement de pardonner l'erreur, de libérer l'homme de son péché et donc de bannir la culpabilité qui n'est autre que le bras de levier du diable. Même les religieux ont compris qu'il n'était pas intelligent ( qu'il était interdit) de juger et de culpabiliser, surtout si on veut résoudre un conflit. Mais tant ont tant besoin de la cantonner dans le rôle inverse. Pourquoi ?


LA VISITATION DE L'ECRIVAIN
Ce n'est pas à nouveau le début d'un roman, mais la source des romans : la relation rétro-centrée de l'écrivain avec ses héros. A dessein, nous avons choisi le vocable rétro-centré pour faire la différence (l'inverse) avec altéro-centré. Non, l'écrivain n'entre pas dans la peau des personnages, ça c'est ce que disent ceux qui n'ont pas écrit de roman. Ce sont les héros qui entrent dans la peau de l'auteur, qui lui piquent ses mots, qui lui empruntent les anecdotes de sa vie peut-être, mais pour les revivre à leurs manières et pas suivant le conscient ou l'inconscient ou le subconscient de l'auteur, non, pour les vivre à leurs manières à eux. Pour les religieux on pourrait dire qu'il s'agit d'une visitation. Pour Pirandello il s'agit " de personnages en quête d'auteurs " qui s'emparent de la plume de l'auteur pour raconter leurs histoires et vivre leurs vies propre et pas du tout celles auxquelles l'auteur les aurait prédestinés. C'est troublant mais c'est dans ce sens que les choses se passent, ce sont les héros qui se projettent dans la plume de l'auteur pour écrire leurs romans et non l'auteur qui se projette dans ses personnages pour écrire son roman. L'écrivain doit s'effacer (pas facile) pour laisser vivre en lui les personnages, l'écrivain n'est que le porte-plume.
Cette alchimie ne serait pas complète sans celle inversée du lecteur. Si le roman fonctionne bien, le lecteur va prendre sur lui les héros et leurs actions, il va s'identifier à la ressemblance ou au rejet avec les personnages qui sont incarnés devant lui et dans son imaginaire.
Dans cette perspective, vous concevez que l'écrivain et son livre sont déjà, dans une certaine mesure, un espace de libération pour les héros pour qu'ils vivent pleinement, mais aussi un espace libre de préemption du lecteur pour s'approprier à sa guise telle ou telle ressemblance avec tel ou tel personnage, ou tous - alors s'est gagné. Très rares dans la vie sont les relations d'une telle liberté entre des personnes qui ne se connaissent pas et qui, pourtant, sont dans une forte intimité. L'auteur remplit, à sa manière, une mission de médiation entre les héros et les lecteurs. Il est passé, pour se faire, par une relation rétro-centré avec les personnages, relation que reproduit le lecteur.
Le mécanisme est le même que dans une relation altéro-centrée mais il tourne à l'envers.


LE COURT CIRCUIT DE L'ALTERO-CENTRE.
Il serait temps, accordez-le nous, de parler enfin de ce qu'est un entretien altéro-centré.
Nous en avons déjà émietté ci-dessus quelques caractéristiques à l'occasion de comparaisons avec d'autres modes de relation. Rappelons. Le Médiateur reste poli, certes, mais n'endosse pas une relation de politesse comme le moyen d'avancer dans l'entretien : intention bonne ou mauvaise vis-à-vis de son interlocuteur, flatterie, compassion, jeu de rôle social. Il s'adresse à la personne. Il connait l'incommunicabilité entre les êtres et évite d'être lui-même incompréhensible et va aider le consultant à prendre conscience de sa propre maladresse. Il ne soigne pas, il n'entre pas dans une relation de transfert et ne joue pas au savant cosinus avec les mots. Il ne prie pas pour son interlocuteur et n'entre pas dans une relation en référence à la morale qui pourrait l'amener à porter à un jugement sur son interlocuteur. Il n'entre pas en empathie ou sympathie avec la personne en face de lui, ni ne se projette sur elle ; systématiquement il la renvoie sur elle-même. Ca fait déjà beaucoup…
Ce qui vient d'être dit est souvent par la négative. En effet, le Médiateur, dans les entretiens altéro-centrés, ne fait pas un grand nombre de choses qui se pratiquent dans les relations de la vie courante ou même dans certaines relations professionnelles. C'est dire qu'il doit être formé et que ces relations altéro-centrées ne vont pas s'établir toutes seules. Il court-circuite en quelque sorte la relation avec l'autre en branchant directement l'autre avec lui-même. Ce n'est pas compliqué - même si c'est difficile -, comme son nom l'indique, il s'agit d'une relation centrée sur l'autre. Qu'est-ce à dire ?
C'est dire qu'il est neutre, indépendant, impartial, d'accord. D'ailleurs, il n'est pas le seul à avoir, ou devrait avoir, ces qualités : le psy, l'écrivain évoqués ci-dessus devraient répondre aussi à ces critères de qualités professionnelles.
C'est dire que le médiateur éteint sa radio interne. Il se tait à lui-même. Il écoute et reste centré sur la personne en face de lui. Il accompagne la logique du mandant franchement sans une hésitation que pourrait lui inspirer ses jugements personnels sur tel ou tel aspect de l'histoire qui lui est racontée, sans se souvenir d'expériences personnelles semblables par lesquelles il est lui-même passé, en oubliant son immense compétence personnelle sur le sujet du litige, en s'effaçant, quoi !
Mais attention, le médiateur n'est cependant pas falot, il est présent à l'entretien. Il parle, il intervient. Il agit en relief et même plus. Trois dimensions en relief donc, il calme, il déstabilise en osant dire, il élève le débat. Et plus, il guide le processus de maturation dans lequel entre la personne en face de lui pour prendre mieux conscience du conflit dans lequel elle s'est enfermée et comment en sortir.


Cependant, nous avions dit que nous étions là pour témoigner et réfléchir avec vous. Nous ne sommes pas là pour réciter notre question de cours. Aussi, pour plus de détail pratique nous vous invitons à vous inscrire à la formation de l'EPMN (Ecole Professinnelle de la médiation et de la Négociation). Donc, assez sur ce point. L'important est qu'en gardant la posture du médiateur, en ne sortant pas d'une relation altéro-centrée, le médiateur trouve tout naturellement les mots qui pourtant auront été professionnalisés par une formation ad hoc et ne se perde pas dans l'entretien.


Ah oui ! J'oubliais ! Il se dit des choses dans une relation altéro-centrée, des choses qui peuvent intéresser bien des institutions, bien des parties prenantes dans le conflit. Seulement voilà, la posture de relation altéro-centrée n'a de sens que si ces choses restent entre le Médiateur et le consultant. Motus et bouche cousue. La confidentialité n'est pas l'apanage du médiateur, le secret de la confession, la pudeur d'auteur ou même, dans un moindre degré, la discrétion dans les relations au quotidien, ne sont pas des options. Il est important dans la vie de savoir se taire mais en médiation et en entretien altéro-centrée la confidentialité est l'obligation d'un service après vente infaillible. On commence tout de suite à s'entrainer : ce que nous vous en avons dit depuis quelques pages est très intime et nous comptons bien sûr sur vous pour ne pas en parler, pas un mot, pas une fuite.


Très égoïstement, ou d'une façon égocentrée si vous préférez, nous avions un intérêt personnel à éclaircir ce qu'est une relation altéro-centrée sous l'éclairage d'autres modes de relations quotidiennes ou plus spécifiques que nous avons eu l'occasion de pratiquer ou de rencontrer au cours de notre parcours. Allez ! dites nous que cela ne vous aura pas tout à fait ennuyé de partager cette réflexion avec nous. Allez ! pour nous faire plaisir. Merci.