Etude comparée des coûts d'intervention d'un médiateur et d'un avocat
24 Juillet 2013

Une médiation, combien ça coûte ? Une procédure judiciaire, combien ça coûte ? Et combien cela rapporte-t-il ? Voilà bien des questions cruement posées auxquelles la note ci-jointe propose des éléments de réponse. Selon les cas, il y a un écart de 1 à 5 ou 10 entre les deux solutions.

Certes, nous avons compris que chaque dossier est différent et que les choses sont difficilement comparables. L'exercice s'annonce donc hautement contestable. Certes.
Certes, nous avons compris que la tarification des avocats et des médiateurs est libre et dépend des affaires, des cultures locales, de l'historique des relations avec tel ou tel client… Comment dans ces conditions comparer l'incomparable ? Certes.Maintenant, après avoir fait le lit des sceptiques chroniques qui sont donc autorisées/invités à ne pas lire la suite de cette note, regardons de plus près ; la comparaison des coûts d'intervention d'un médiateur et d'un avocat est édifiante.

Nous avons raisonné " toutes choses égales par ailleurs " à partir d'une " affaire type " traitée par médiation ou à l'aide d'un avocat. Donc, nous avons raisonné à périmètre flou. Pour ce faire, nous avons interviewé un avocat. Comme évoqué ci-dessus, les honoraires des médiateurs et des avocats sont libres pour la plupart des prestations. Nous avons donc utilisé des montants " raisonnables " confiés spontanément au cours de notre entretien avec l'avocat. De toute façon, on va voir que ce ne sont pas les taux horaires qui expliquent significativement les écarts, mais bien la procédure suivie.

Tableau comparatif

Médiation
Coût en €
Délais
Charge de travail
Avocat

Coût en € par personne

Délais
environ
Charge de travail en h
Ouverture de dossier
2x150=300
350
1,5h
Deux Entretiens individuels de préparation de réunion
2x250=500
2 jours
2x1,5h=3h
Précontentieux, assignation ou réponse à assignation
1500
3 mois
8h
Réunion : inimaginable discussion
500
3ème jour
2h
Réponse aux conclusions du confrère
1500 à 2000
12 mois
+ Xh ?
Plaidoyer avec souvent un report ou deux
600
2 mois
3h
   
délibéré
2 mois
   
Appel
3500
18 mois
2 prépa. + 3 plaidoyer
   
Frais de suivi de dossier : signification du jugement, huissier…
Y ?
Un certain temps
Z h ?
total
1300
1 semaine
5h
7450
2 à 3 ans selon appel
17,5
Taux horaire260/h  Environ 400€/h  
Coût par personne
675€
  
7450€
  

Ajustement.
A ce stade, l'avocat nous a confié qu'il ne pouvait pas annoncer de tels montants quand un client se présentait chez lui. Il prend donc des provisions à hauteur 2500€ pour aller jusqu'au premier plaidoyer, au lieu des 4450€ qu'il se réserve de prendre selon comment se passent les allers retours des conclusions et réponses aux conclusions avant le plaidoyer. Mais, ce faisant, le client s'avance dans un tunnel dont il ne pourra pas sortir tout en ne connaissant pas le coût exact de l'ensemble de la démarche.

Analyse
1. Déjà, même après l'ajustement proposé ci-dessus (7450-4450+2500=5500€ pour les frais d'avocat), on constate un écart de 1 à 8 entre le coût de la médiation et celui d'une procédure judiciaire pour un conflit " simple " avec appel et de 1 à 5 environ s'il n'y a pas appel. Et ceci ne traduit pas tant une différence entre les taux horaires (250€/h pour l'un, 305€/h pour l'autre) qu'un écart qui vient de l'ampleur différente des procédures respectives.
2. La somme de travail est estimée approximativement pour la procédure judiciaire. Mais l'écart semble être de 1 à 5 ou 6.
3. Enfin, ce qui ne passe pas dans les coûts directement, mais qui compte pourtant, le délai de traitement du conflit par médiation se compte en semaine, une procédure judiciaire prend quelque 2 ans minimum. Différence de temps qui peut s'investir plus utilement par les parties pour gagner de l'argent dans des affaires plus rémunératrices, ce qui représente aussi de l'argent.

Mais, il n'y a pas que l'argent. Le propre de la médiation est de traiter la qualité relationnelle entre les parties. Il y a, en effet, un solde relationnel à évacuer ce qu'une procédure de justice ne traite pas. C'est d'ailleurs là, la grosse différence entre les deux chemins stratégiques pour traiter les conflits. A contrario, si la médiation ne réalise pas le même travail qu'un tribunal, elle peut, si elle est bien menée, rendre inutile le recours à la procédure judiciaire dont l'intérêt s'efface devant l'accord librement consenti par les parties. Creusons encore.

Conséquences
Conséquences difficiles à tirer dans l'absolu. A chacun de décider les conséquences de ces mesures/analyses.

Conséquences relatives aux enjeux perçus par les parties. En général les enjeux perçus n'inclinent pas les parties à avoir recours à la médiation :
" Leurs premiers réflexes aura été de voir un avocat qui, même s'il fait son travail dans l'intérêt du client (c'est le cas la plupart du temps), peut avoir été amené à laisser entrevoir des gains importants, car la cause semble gagnée (sinon, le client risque d'aller ailleurs). Mais s'il y aura un gagnant, c'est dire aussi qu'il y aura un perdant.
" Le client n'envisage pas facilement de " perdre la face " contre l'autre partie. " Âme bafouée ne trouve la paix que dans le triomphe " nous dit Malraux.
" Le reliquat de blessure relationnel n'est pas perçu par les parties au début de la procédure. Elles pensent qu'une réparation financière sera suffisante pour réparer le dol qu'elles ressentent. Elles s'apercevront, trop tard, qu'il n'en est rien.
" Encore moins perçu par les parties comme un enjeu, le gain en " non dépense de frais d'avocat, de justice et d'huissier… " dont ils ne connaissent pas vraiment les montants et dont ils peuvent faire l'économie car si la médiation aboutit, tous ces frais s'arrêtent, un procès devient inutile devant l'accord des parties. C'est l'objet de cette note que de les mettre en évidence.

Conséquences dont l'appréciation peut varier dans le temps
" Dans le temps du conflit car après avoir épuisé 2 ans, épuisé 6 ou 7000€ pour suivre la procédure judiciaire, épuisé son affecte dont les blessures sont des souffrances qui durent et même s'amplifient au cours du temps, épuisé sa santé car le métabolisme basal des parties est très élevé pour garder leur cohérence interne devant les agressions permanentes que représentent les étapes de la procédure donc, après avoir épuisé tout ceci et s'être spolié la vie pendant tout ce temps, les parties, peut-être, vont-elles découvrir les mérites d'une médiation.
" Dans le temps culturel de traitement des conflits. Nous entendons par-là que l'intérêt du recours à la médiation plutôt qu'à une procédure judiciaire devient progressivement reconnu par la société dans son ensemble et donc l'appréciation des intérêts comparés des deux choix stratégiques peut et va changer dans les années qui viennent. Certes, il est des cultures régionales notamment où le conflit est preuve de fierté, de virilité et ou la médiation est réservé " à ceux qui n'en ont pas… ". Mais ça peut changer.

Et la Justice
Car vous n'avez pas été sans remarquer que, jusque-là, il n'a pas été question de la Justice, de l'institution judiciaire, qui, elle aussi, a un coût. Mais qui s'en occupe ?
" Pas le perdant du procès qui trouvera honteux de payer des frais pour avoir perdu dans cette affaire et saura bien souvent se déclarer non solvable pour régler les frais à une Justice qui ne lui a pas rendu justice.
" Pas le gagnant qui trouvera toujours normal d'avoir gagné son procès et que la justice lui soit enfin rendue gratuitement (mais si tardivement). Il paie déjà bien assez d'impôts.
" Si ce n'est justement (si j'ose dire) le citoyen/contribuable que nous sommes mais auquel on n'expose jamais les montants en jeu car cela ne représente pas beaucoup de voix pour les prochaines élections.
L'évocation de l'aide juridictionnel gratuite, à ce stade de notre étude, place à quelque 23€/h la rémunération de l'avocat requis d'office. Il ne faut pas en déduire que le coût de traitement d'une affaire dans ce cas s'élève à 400 ou 600€. C'est seulement que l'avocat n'est pas rémunéré correctement et fait les frais d'une justice qui a du mal à boucler son budget.

Conclusion
Que dire en conclusion de cette comparaison des coûts d'intervention d'un médiateur et d'un avocat ?
Nous avons raisonné à périmètre flou, sur une affaire type fictive, avec des données approximatives, donc aucune des données et aucun des résultats ne sont exacts. Cependant les montants globaux affichés et calculés sont bien de cet ordre dans la réalité et nous permettent de proposer les conclusions suivantes :
1. En coût directe, que l'écart est de 1 à 8. Etant donné l'imprécision des estimations des honoraires et des temps de travail on peut retenir plus aisément de 1 à 10 sans se tromper, pour une procédure avec appel et 1 à 5 pour une procédure sans appel.
2. En coût non quantifiable, que même un procès mené à son terme de façon favorable pour une des parties ne solde pas le coût affectif du à la détérioration de la qualité relationnelle entre les parties qui va durer bien après le procès.
3. En coût comparé non pas entre les différentes procédures mais comparé au résultat attendu, que l'appréciation est à la discrétion des parties qui devront donc choisir de :
a. résister ou non à la tentation d'un gain hypothétique (et donc au risque d'une perte potentielle) sans tenir compte du reliquat relationnel qu'elles devront assumer par la suite. Et encore, si nous nous plaçons dans le cas où la décision de justice sera appliquée (60% des cas, dans les autres 40% il n'y a aucun gagnant).
b. déposer les armes pour entrer dans une " inimaginable discussion " avec l'autre partie et ainsi sauver l'essentiel pour elles.
4. En coût de justice dont peu se préoccupe mais dont la France, et donc nos impôts, devra assumer la prise en charge.

Anti-conclusion
Curieuse fin pour une note que de conclure et de reconclure. Cependant, la présentation de ces réflexions auprès de quelques personnes a induit une lecture perverse des données ci-dessus que nous voudrions anticiper.

En effet, assez lestement, il nous a été proposé compte tenu des écarts de coût, de réserver le traitement des conflits par médiation pour les petits conflits à faible enjeu qui encombrent les tribunaux, réservant la noble procédure juridique pour les " vraies affaires ".

Mais le recours à la médiation n'est pas une question de montant en jeu. La médiation n'est pas un sous produit de justice à bas coût. Il s'agit de traiter la dimension affective des conflits qui ne dépend pas du montant. Les mécanismes affectifs mis en œuvre dans les conflits le sont quelques soient les montants. Il faut donc nous attendre à chaque tournant de conversation à voir resurgir les arguments de la méconnaissance de la médiation et faire attention à ce que l'analyse ci-dessus ne se retourne pas contre le propos qu'elle sous-tend.