Certes, nous avons compris
que chaque dossier est différent et que les choses sont difficilement comparables.
L'exercice s'annonce donc hautement contestable. Certes. Certes, nous avons
compris que la tarification des avocats et des médiateurs est libre et
dépend des affaires, des cultures locales, de l'historique des relations
avec tel ou tel client
Comment dans ces conditions comparer l'incomparable
? Certes.Maintenant, après avoir fait le lit des sceptiques chroniques
qui sont donc autorisées/invités à ne pas lire la suite de
cette note, regardons de plus près ; la comparaison des coûts d'intervention
d'un médiateur et d'un avocat est édifiante. Nous avons raisonné
" toutes choses égales par ailleurs " à partir d'une "
affaire type " traitée par médiation ou à l'aide d'un
avocat. Donc, nous avons raisonné à périmètre flou.
Pour ce faire, nous avons interviewé un avocat. Comme évoqué
ci-dessus, les honoraires des médiateurs et des avocats sont libres pour
la plupart des prestations. Nous avons donc utilisé des montants "
raisonnables " confiés spontanément au cours de notre entretien
avec l'avocat. De toute façon, on va voir que ce ne sont pas les taux horaires
qui expliquent significativement les écarts, mais bien la procédure
suivie. Tableau comparatif
Médiation |
Coût en € |
Délais | Charge
de travail | Avocat |
|
Délais environ |
Charge de travail en h |
Ouverture de dossier | 2x150=300 |
| |
| 350 |
| 1,5h |
Deux Entretiens individuels de préparation
de réunion | 2x250=500 |
2 jours | 2x1,5h=3h |
Précontentieux, assignation ou réponse à
assignation | 1500 |
3 mois | 8h |
Réunion : inimaginable discussion |
500 | 3ème
jour | 2h |
Réponse aux conclusions du confrère |
1500 à 2000 | 12
mois | + Xh ? |
| |
| |
Plaidoyer avec souvent un report ou deux |
600 | 2 mois |
3h | | | | |
délibéré |
| 2 mois |
| | | | |
Appel | 3500 |
18 mois | 2 prépa.
+ 3 plaidoyer | | | | |
Frais de suivi de dossier : signification du jugement,
huissier
| Y ? |
Un certain temps | Z
h ? | total | 1300 |
1 semaine | 5h |
| 7450 |
2 à 3 ans selon appel | 17,5 |
Taux horaire | 260/h | | | | Environ
400€/h | | | Coût
par personne | 675€ | | | |
7450€ | | |
Ajustement. A ce stade, l'avocat nous a confié
qu'il ne pouvait pas annoncer de tels montants quand un client se présentait
chez lui. Il prend donc des provisions à hauteur 2500€ pour aller
jusqu'au premier plaidoyer, au lieu des 4450€ qu'il se réserve de
prendre selon comment se passent les allers retours des conclusions et réponses
aux conclusions avant le plaidoyer. Mais, ce faisant, le client s'avance dans
un tunnel dont il ne pourra pas sortir tout en ne connaissant pas le coût
exact de l'ensemble de la démarche. Analyse 1.
Déjà, même après l'ajustement proposé ci-dessus
(7450-4450+2500=5500€ pour les frais d'avocat), on constate un écart
de 1 à 8 entre le coût de la médiation et celui d'une procédure
judiciaire pour un conflit " simple " avec appel et de 1 à 5
environ s'il n'y a pas appel. Et ceci ne traduit pas tant une différence
entre les taux horaires (250€/h pour l'un, 305€/h pour l'autre) qu'un
écart qui vient de l'ampleur différente des procédures respectives.
2. La somme de travail est estimée approximativement pour la procédure
judiciaire. Mais l'écart semble être de 1 à 5 ou 6. 3.
Enfin, ce qui ne passe pas dans les coûts directement, mais qui compte pourtant,
le délai de traitement du conflit par médiation se compte en semaine,
une procédure judiciaire prend quelque 2 ans minimum. Différence
de temps qui peut s'investir plus utilement par les parties pour gagner de l'argent
dans des affaires plus rémunératrices, ce qui représente
aussi de l'argent. Mais, il n'y a pas que l'argent. Le propre de la médiation
est de traiter la qualité relationnelle entre les parties. Il y a, en effet,
un solde relationnel à évacuer ce qu'une procédure de justice
ne traite pas. C'est d'ailleurs là, la grosse différence entre les
deux chemins stratégiques pour traiter les conflits. A contrario, si
la médiation ne réalise pas le même travail qu'un tribunal,
elle peut, si elle est bien menée, rendre inutile le recours à la
procédure judiciaire dont l'intérêt s'efface devant l'accord
librement consenti par les parties. Creusons encore. Conséquences
Conséquences difficiles à tirer dans l'absolu. A chacun de décider
les conséquences de ces mesures/analyses. Conséquences
relatives aux enjeux perçus par les parties. En général
les enjeux perçus n'inclinent pas les parties à avoir recours à
la médiation : " Leurs premiers réflexes aura été
de voir un avocat qui, même s'il fait son travail dans l'intérêt
du client (c'est le cas la plupart du temps), peut avoir été amené
à laisser entrevoir des gains importants, car la cause semble gagnée
(sinon, le client risque d'aller ailleurs). Mais s'il y aura un gagnant, c'est
dire aussi qu'il y aura un perdant. " Le client n'envisage pas facilement
de " perdre la face " contre l'autre partie. " Âme bafouée
ne trouve la paix que dans le triomphe " nous dit Malraux. " Le
reliquat de blessure relationnel n'est pas perçu par les parties au début
de la procédure. Elles pensent qu'une réparation financière
sera suffisante pour réparer le dol qu'elles ressentent. Elles s'apercevront,
trop tard, qu'il n'en est rien. " Encore moins perçu par les parties
comme un enjeu, le gain en " non dépense de frais d'avocat, de justice
et d'huissier
" dont ils ne connaissent pas vraiment les montants et
dont ils peuvent faire l'économie car si la médiation aboutit, tous
ces frais s'arrêtent, un procès devient inutile devant l'accord des
parties. C'est l'objet de cette note que de les mettre en évidence. Conséquences
dont l'appréciation peut varier dans le temps " Dans le temps
du conflit car après avoir épuisé 2 ans, épuisé
6 ou 7000€ pour suivre la procédure judiciaire, épuisé
son affecte dont les blessures sont des souffrances qui durent et même s'amplifient
au cours du temps, épuisé sa santé car le métabolisme
basal des parties est très élevé pour garder leur cohérence
interne devant les agressions permanentes que représentent les étapes
de la procédure donc, après avoir épuisé tout ceci
et s'être spolié la vie pendant tout ce temps, les parties, peut-être,
vont-elles découvrir les mérites d'une médiation. "
Dans le temps culturel de traitement des conflits. Nous entendons par-là
que l'intérêt du recours à la médiation plutôt
qu'à une procédure judiciaire devient progressivement reconnu par
la société dans son ensemble et donc l'appréciation des intérêts
comparés des deux choix stratégiques peut et va changer dans les
années qui viennent. Certes, il est des cultures régionales notamment
où le conflit est preuve de fierté, de virilité et ou la
médiation est réservé " à ceux qui n'en ont pas
". Mais ça peut changer. Et la Justice Car
vous n'avez pas été sans remarquer que, jusque-là, il n'a
pas été question de la Justice, de l'institution judiciaire, qui,
elle aussi, a un coût. Mais qui s'en occupe ? " Pas le perdant
du procès qui trouvera honteux de payer des frais pour avoir perdu dans
cette affaire et saura bien souvent se déclarer non solvable pour régler
les frais à une Justice qui ne lui a pas rendu justice. " Pas
le gagnant qui trouvera toujours normal d'avoir gagné son procès
et que la justice lui soit enfin rendue gratuitement (mais si tardivement). Il
paie déjà bien assez d'impôts. " Si ce n'est justement
(si j'ose dire) le citoyen/contribuable que nous sommes mais auquel on n'expose
jamais les montants en jeu car cela ne représente pas beaucoup de voix
pour les prochaines élections. L'évocation de l'aide juridictionnel
gratuite, à ce stade de notre étude, place à quelque 23€/h
la rémunération de l'avocat requis d'office. Il ne faut pas en déduire
que le coût de traitement d'une affaire dans ce cas s'élève
à 400 ou 600€. C'est seulement que l'avocat n'est pas rémunéré
correctement et fait les frais d'une justice qui a du mal à boucler son
budget. Conclusion Que dire en conclusion de cette comparaison
des coûts d'intervention d'un médiateur et d'un avocat ? Nous
avons raisonné à périmètre flou, sur une affaire type
fictive, avec des données approximatives, donc aucune des données
et aucun des résultats ne sont exacts. Cependant les montants globaux affichés
et calculés sont bien de cet ordre dans la réalité et nous
permettent de proposer les conclusions suivantes : 1. En coût directe,
que l'écart est de 1 à 8. Etant donné l'imprécision
des estimations des honoraires et des temps de travail on peut retenir plus aisément
de 1 à 10 sans se tromper, pour une procédure avec appel et 1 à
5 pour une procédure sans appel. 2. En coût non quantifiable,
que même un procès mené à son terme de façon
favorable pour une des parties ne solde pas le coût affectif du à
la détérioration de la qualité relationnelle entre les parties
qui va durer bien après le procès. 3. En coût comparé
non pas entre les différentes procédures mais comparé au
résultat attendu, que l'appréciation est à la discrétion
des parties qui devront donc choisir de : a. résister ou non à
la tentation d'un gain hypothétique (et donc au risque d'une perte potentielle)
sans tenir compte du reliquat relationnel qu'elles devront assumer par la suite.
Et encore, si nous nous plaçons dans le cas où la décision
de justice sera appliquée (60% des cas, dans les autres 40% il n'y a aucun
gagnant). b. déposer les armes pour entrer dans une " inimaginable
discussion " avec l'autre partie et ainsi sauver l'essentiel pour elles.
4. En coût de justice dont peu se préoccupe mais dont la France,
et donc nos impôts, devra assumer la prise en charge. Anti-conclusion
Curieuse fin pour une note que de conclure et de reconclure. Cependant, la présentation
de ces réflexions auprès de quelques personnes a induit une lecture
perverse des données ci-dessus que nous voudrions anticiper. En effet,
assez lestement, il nous a été proposé compte tenu des écarts
de coût, de réserver le traitement des conflits par médiation
pour les petits conflits à faible enjeu qui encombrent les tribunaux, réservant
la noble procédure juridique pour les " vraies affaires ". Mais
le recours à la médiation n'est pas une question de montant en jeu.
La médiation n'est pas un sous produit de justice à bas coût.
Il s'agit de traiter la dimension affective des conflits qui ne dépend
pas du montant. Les mécanismes affectifs mis en uvre dans les conflits
le sont quelques soient les montants. Il faut donc nous attendre à chaque
tournant de conversation à voir resurgir les arguments de la méconnaissance
de la médiation et faire attention à ce que l'analyse ci-dessus
ne se retourne pas contre le propos qu'elle sous-tend. |